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Causons derechef
10 janvier 2019

Ma cagnotte...ma cagnotte...

Il n'est donc question que de cagnotte (et des goûts sexuels de Yanne Moix) sur les réseaux sociaux,et chacun aura pensé au vaudeville de Labiche portant ce titre et qu'on a encore récemment mis en scène. Je rappelle l'argument en deux mots : des notables de La Ferté-sous-Jouarre jouent tous les soirs à la bouillotte (jeu qu'on pratiquait beaucoup dans les salons balzaciens) et constituent avec leurs gains (modestes : il s'agit de petits bourgeois plutôt pingres) mis en commun une cagnotte pour s'offrir un cadeau. Ils choisissent un voyage à Paris où ils connaîtront, à cause de leur ignorance de provinciaux, les pires mésaventures, y compris un séjour dans un commissariat car ils ont été pris pour des malandrins. Ne se croirait-on pas, mutatis mutandis, dans la France des gilets jaunes ? La Ferté-sous-Jouarre (prononcez le A avec 3 accents circonflexes) ça sent la périphérie à dix lieues, d'ailleurs un des personnages cultive des carottes. Certes il s'agit là de petits bourgeois, voire de rentiers, mais la fascination pour la capitale est la même. Ils y vont, suivant leur leader charismatique qui leur dit :"Enfants de la Ferté-sous-Jouarre, croyez en moi!", et ils s'y perdent, on se moque d'eux, on les harcèle, on les brutalise, et ils finissent par rentrer dans leur cambrousse, un peu étourdis. C'est peut-être là qu'est le bonheur...

  Mais revenons aux cagnottes qui font l'actualité. La tradition qui consiste à demander de l'argent pour défendre une cause est bien établie. Autrefois cela se faisait souvent sous la forme de quête sur les marchés et je me souviens avec émotion de la première que j'ai vue : des mineurs du Nord qui étaient descendus dans une petite ville de l'Ouest lors de la grande grève de 1963. Ces pratiques archaïques ne pouvaient perdurer à l'ère de la dématérialisation, grâce à Leetchi et autres sociétés semblables, en quelques clics vous pouvez vous cotiser avec d'autres pour donner de somptueux cadeaux à un jeune couple qui se lance dans la vie après avoir offert à chacun un enterrement de vie de garçon et de jeune fille trépidant à Barcelone ou à Prague. De même pouvez-vous soutenir à loisir les causes qui vous sont chères et les héros qui les défendent sans avoir l'impression qu'on vous force la main, assourdi que vous êtes par le discours du militant qui brandit sa sébile. C'est ainsi que la générosité militante s'est manifestée pour "le gitan de Massy" (soit dit en passant ce qualificatif sent un peu l'assignation à son origine...). Bon, pourquoi pas, on peut imaginer qu'il aura une forte amende à payer et que la mairie qui l'emploie suspendra son salaire (ça, je n'y crois pas trop...), mais à la suite de ça s'est engagée une véritable guerre des cagnottes puisque de bons citoyens en ont créé une pour venir en aide aux victimes des forces de l'ordre (vu leur nombre, il n'y aura pas gras pour chacun). Il semblerait que ceux-ci l'aient emporté, en terme de générosité, sur les partisans des gilets jaunes et leurs mauvais génies extrêmistes, mais le combat n'est pas terminé. Les plaisantins ont évidemment suggéré des cagnottes pour tout et n'importe quoi, au risque de déraper. Je ne sais qui en a eu l'idée d' offrir une muselière à Marlène Schiappa, autant traiter de chienne notre ministre la plus sémillante, c'est honteux !

Cette "guerre des cagnottes" fait sourire, mais je me demande s'il n'y a pas là une idée pour sauver le Grand Débat National. Pas la peine de nommer un(e) responsable dont le salaire fera de toute façon scandale, pas la peine d'écrire une lettre aux Français dont ils se gausseront s'ils la lisent, pas la peine de prévoir des réunions qui n'auront pas plus de succès que celles de copropriété ou de quartier, pas la peine d'embêter les maires qui commencent à regimber et se voient mal rédiger un cahier de doléances, non, lançons un débat sous forme de cagnotte. C'est tout simple : une minute pour en créer une sur Leetchi.  On pourra ainsi mieux tester l'attachement des citoyens à une réforme. Plus vous tiendrez à une mesure, plus vous donnerez afin qu'elle soit adoptée. On m'objectera que ce serait inégalitaire, limitons les dons à un montant raisonnable; qu'on pourra acheter des voix, je vois là un petit métier d'avenir; Et de toute façon on ne sollicitera les gens que pour des réformes sociétales qui n'intéressent pas les riches. L'argent versé restera bien sûr à l'Etat qui s'en servira pour financer la mesure (ex : si on rétablit la peine de mort, achat de guillotines et salaire du bourreau). Je pense que cette proposition qui nous permettra de sortir de l'impasse où nous sommes me vaudra au moins la direction du grand débat national, et je lancerai une cagnotte pour mon salaire.

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