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Causons derechef
24 septembre 2017

Pour Pierre Benoit

Pierre Benoit, voilà un écrivain que j'avais à peu près oublié ! Or il se trouve que je suis tombé par hasard il y a quelque temps sur Pour Don Carlos que j'ai relu avec délice et qu'un de mes amis Fb évoque dans un post certains livres de cet auteur. Il y a quelques années je ne sais plus quelle maison d'édition avait réédité en un gros volume ses romans les plus célèbres (avait-elle pensé à une réédition complète ? Je ne crois pas, Benoit a écrit beaucoup). J'en avais été surpris car je croyais cet écrivain tombé dans un purgatoire fait pour durer comme Loti, Anatole France ou Barrès, même s'il ne s'agit pas de la même génération. De fait je crois bien que ce ne fut pas un succès.

Et pourtant, ce fut un des auteurs de ma jeunesse. C'était un de ceux que lisaient mes grands-parents et je trouvais au fond d'armoires ou au grenier des livres aux pages jaunies, à la couverture froissée, sentant légèrement l'humidité avec d'autres romans de Paul Bourget ou d'Ernest Pérochon. Je me vois encore lisant au fond de mon lit Pour Don Carlos et un recueil de nouvelles dont je crois que le titre était Les cosaques zaporogues, adjectif à l'exotisme fascinant. Dans une des nouvelles il imaginait que le fameux amendement Wallon qui nous valut à une voix près la IIIème République avait été voté parce qu'on avait enlevé mystérieusement pendant 24h un député monarchiste...(Benoit était passablement réac, mais piquait la curiosité que j'avais pour l'histoire). Je trouvais aussi ses livres à l'internat dans les bibliothèques d'étude. Dans les années 60 l'écrivain était encore lu et le premier livre de poche publié  fut Koenigsmark. Mes camarades et moi savions tous que le nom de toutes ses héroïnes commençait par la lettre A et nous n'étions pas loin de croire que c'était un exploit de trouver autant de noms différents, dont le plus beau à nos yeux était Antinéa. Un peu plus tard sa démission de l'Académie française quand De Gaulle s'opposa à l'élection de Paul Morand fit quelque bruit et j'appris à cette occasion qu'il avait eu des ennuis à la Libération malgré un dossier à peu près vide. Les Ernaux de l'époque l'avaient mis sur la liste noire. Jean Paulhan l'en raya vite et la plaidoirie de Maurice Garçon le fit acquitter. Adolescents, nous étions fascinés par l'aventure, le mystère des personnages et des lieux, l'exotisme (Benoit, sorte de Villiers avant la lettre s'inspirait souvent des nombreux pays qu'il avait visités), par le roman colonial d'une France qui venait de gagner la guerre et dont les jeunes et sémillants officiers continuaient la tâche, notamment en luttant contre les agissements souterrains de la perfide Albion dans les territoires sous mandat. Je ne crois pas que nous pouvions apprécier pleinement l'érotisme assez ambigu du romancier, jouant beaucoup sur le travestissement, le saphisme, la domination de l'homme par des héroïnes aussi belles qu'énergiques et passionnées. 

J'ai donc renoué avec Benoit récemment en relisant d'abord Pour Don Carlos. Tout Benoit y est. Son plaisir d'écrire, d'abord, qui se manifeste dans les descriptions superbes de la montagne basque qu'il connaissait bien; le mystère avec son héros embarqué dans une histoire qu'il ne comprend pas, manipulé par des comploteurs avant de s'engager en poussant le cri qui donne son titre au roman, l'érotisme avec Allegria la femme-homme, le romantisme des causes perdues (ça marche à tous les coups avec moi : jacobites, chouans, carlistes...); le culte de belles vertus : l'honneur, la fidélité, l'héroïsme; et une petite pointe de politique avec une satire des radicaux francs-macs qui s'apprêtaient à gouverner la France...J'ai lu pour la première fois Koenigsmark avec sa belle évocation de ces petites cours allemandes qui survécurent privées de pouvoir mais ayant conservé leur étiquette et leur faste (ah, cette description d'une prise d'armes avec hussards caracolant et l'éclat des trompettes...). Le héros, simple précepteur y est amoureux d'une grande duchesse, pas moins, (et, en plus d'origine russe...), malheureuse et se consolant comme elle peut dans une intimité plus qu'ambigüe avec la troublante Mélusine, sa suivante, avant d'être sensible au charme du jeune homme prêt à donner sa vie pour elle. Si ça n'est pas romanesque ! (et je vous fais grâce de l'emboîtement habile de trois récits).J'ai bien l'intention de continuer cette redécouverte (au programme maintenant Mademoiselle de la Ferté, un Benoit non exotique mais toujours érotique et plein de mystère, cette fois psychologique) et je vous invite à me suivre.

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Commentaires
L
J'ai eu un jour l'idée saugrenue de lire tous les prix Goncourt. J'ai ainsi découvert Ernest Pérochon et son Nêne, roman du terroir vendéen. Délicieux. Un écriture fine, élégante et cultivée. Mais ils sont nombreux ces auteurs oubliés qui valent bien les Nothomb et autres à la mode.
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