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Causons derechef
30 juin 2015

Terrorisme : les morts n'ont pas tous la même peau

La façon dont les trois attentats islamiques de la semaine dernière ont été traités par les médias montre bien que la hiérarchie qu'ils établissent n'est pas fondée sur le nombre de morts au score. Quand l'équipe de France est engagée l'évènement est couvert au-delà du nécessaire et au risque du ressassement. Pourtant, pour filer la métaphore sportive, une victime ça fait petit joueur. Il est vrai que le malheureux a eu le triste honneur d'être le premier décapité sur le sol français et, décidément non, cette forme d'exécution cruelle et barbare qui consiste à égorger avant de couper la tête comme aux moutons pour l' Aïd ne passe pas chez nous. D'ailleurs une religion qui traite ainsi les animaux ne peut être qu'inhumaine. Ce traitement privilégié peut aussi s'expliquer par une peur rétrospective : le terroriste s'est attaqué à un site Seveso et cela rappelait l'explosion de Toulouse. C'était vraisemblablement un acte individuel mais on ne peut même pas parler de "loup solitaire", plutôt d'une sorte de Gaston Lagaffe qui, rêvant d'une explosion d'apocalypse, en est réduit à ouvrir des bouteilles de gaz une à une en espérant que ça s'enflammera. En un mot un amateur en bas du tableau. Cela dit la façon dont il est devenu salafiste est inquiétante : il aurait été radicalisé dans une mosquée de Pontarlier. Pontarlier, la ville d'Edgar Faure, le parangon du radicalisme de notable, une des têtes de la IVème république quand la métropole était une vaste province tranquille. On mesure le chemin parcouru et ce n'est guère encourageant...

Pour l'attentat de Sousse, le franco-centrisme se transforme en européo-centrisme, mais cela ne lui permet pas de passer devant malgré ses 38 morts. Apparemment il n'y a pas eu de victimes tunisiennes ou alors on n'en a pas parlé. Les victimes, outre leur qualité de "caucasiens" comme disent les américains, sont d'autant plus à plaindre que ce sont des touristes, c'est à dire des sortes de civils au carré qui voulaient fuir leur souci et les brumes boréales écafouis sur une plage en rêvant de l'apéro du soir et de la visite des souks. Peut-être avaient-ils entendus Delanoë ou Claudia Cardinale les exhortant lors d'une récente campagne de pub à "revenir en Tunisie". Dieu merci les conseilleurs ne sont pas les payeurs et ces sympathiques personnalités ne se trouvaient pas dans cet hôtel aux prix bradés pour congés payés. En tout cas le terroriste local a bien visé, comme ses frères de l'attentat de Djerba ou du Bardo il fait perdre des milliards de devises à un pays qui n'en a pas de trop et surtout il met en danger la fragile démocratie tunisienne. A peu près seule dans le monde arabe, crainte par les émirs et dictateurs comme un modèle menaçant et victime paradoxale de ses vertus : une éducation poussée de la jeunesse qui se retrouve au chômage et une liberté relative des moeurs que certains fustigent comme un vice occidental. La France, vieux et riche pays aux valeurs établies depuis des siècles, avec de puissantes forces de l'ordre résistera aux attentats même s'ils se multiplient, ce sera plus difficile pour une Tunisie coincée entre une Egypte défaillante et une Libye chaotique.

L'attentat le plus grave, ou du moins qui porte le plus de menaces, est celui qui a eu lieu dans une mosquée du Koweït. Pourtant c'est celui dont on a le moins parlé comme si on se disait : "Tant mieux les loups se dévorent entre eux, ça fera des Arabes en moins et même pas chrétiens...". Or c'est toute une région du monde, particulièrement explosive, qui risque de s'enflammer. Cet attentat témoigne de l'opposition qui semble irréductible entre sunnites et chiites ou plutôt entre leurs deux ouissances protectrices qui s'affrontent aussi au Yémen et en Syrie. Curieusement les Chiites, victimes de l'image qu'a donnée d'eux l'impitoyable et rigoriste ayatollah Khomeiny, sont mal vus en Occident. En fait ils sont beaucoup moins fanatiques, relativement plus libres quant aux moeurs (c'est quand-même l'Islam...), moins passéistes que les Sunnites chez qui est né le salafisme. Cela leur vaut d'être opprimés dans la péninsule arabique où ils sont souvent majoritaires. On peut espérer qu'ils feront tomber un jour les monarchies vermoulues, corrompues et cruelles (aucun Iranien n'a jamais été condamné à 1000 coups de fouet). Ce jour là nous, qui nous sommes toujours aplatis devant les Saoudiens ou autres Qataris pétés de fric, aurons l'air fin... 

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