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Causons derechef
3 avril 2015

Brûlons les bibliothèques !

Des années que je n'ai pas mis les pieds dans une bibliothèque et il y a peu de chances que l'évolution des lieux m'y fasse revenir. D'ailleurs la plupart sont devenues des médiathèques, c'est-à-dire qu'on y mélange les torchons avec les serviettes, les poésies de Rimbaud et des disques de rap, Shakespeare et des jeux video ultra-violents qui donneront des idées à nos chères têtes blondes qui n'en ont pas beaucoup. Elles portent le nom de Mandela ou de J-P Melville, rarement celui d'un écrivain : il ne faut pas effaroucher le client. Car c'est bien de client qu'il s'agit et il faut le fidéliser et lui donner l'envie de revenir. De même qu'on a mis l'élève au centre du système éducatif, l'accueil du public devient la grande affaire des bibliothécaires qui se contorsionnent pour donner du fun à leur établissement. Et que je te propose une exposition sur la bd (l'ignoble Titeuf, par exemple, dans l'espace-kids), et que je crée des clubs-poésie afin que la jeunesse des quartiers exprime sa rancoeur et sa révolte, et que cent ateliers fleurissent pour appâter le chaland. Celui-ci doit s'y sentir comme chez lui: s'il a envie de manger, il mange, les femmes de ménage nettoieront, s'il lui prend de téléphoner à sa copine ou de discuter de la prochaine Coupe du monde avec ses potes, qui l'en empêcherait ? Il aura tôt fait de vous répondre que vous n'aimez pas les jeunes, les noirs, les sportifs...et qu'il est le libre citoyen d'un pays libre. A l'intérieur vous avez l'ambiance, de l'extérieur la lumière rentre à flots par les parois de verre (transparence à la fois "mode" et symbolique). Les vieux kroumirs estimaient qu'il fallait pour lire un certain retrait du bruit et de la lumière, qu'ils aillent se faire voir ailleurs ! La gérante, pardon ! la bibliothécaire (car le métier s'est féminisé à 90 % et un bibliothécaire parait toujours incongru, voire un peu louche) n'a plus rien à voir avec les "assis" caricaturés par Rimbaud. D'ailleurs, assise elle ne l'est guère : il faut recevoir les petits de l'école voisine qui vont encore courir dans les rayons et mélanger la marchandise, puis il faudra participer au concours de l'atelier peinture "illustrez la couverture d'un roman qui vous a plu", enfin assister à une réunion de "préconisation d'achats" à la mairie (du politiquement correct, des oeuvres citoyennes, de la musique djeune...). Elle s'y entendra répéter les consignes : créer du lien, renforcer la cohésion sociale, enseigner la citoyenneté. De toute façon elle n'a rien à craindre car ses résultats sont bons : en 3 ans elle a doublé le nombre d'inscriptions. Elle se gardera bien de préciser que ce sont des âmes mortes, des lecteurs-fantômes semblables à ces soldats de papier dans les armées du Tiers monde dont les officiers empochent la solde. Elle est fière de son rôle d'assistante sociale et citoyenne, de l'atmosphère animée de sa bibliothèque, de la chaleureuse convivialité qui y règne, de voir les bambins gambader et les adolescents se peloter dans les profonds fauteuils. Le bonheur collectif a remplacé le retrait égoïste et le silence mortifère, seuls les aigris s'en plaindront. Qu'ils restent chez eux ! D'ailleurs ils ont compris : ils le font.

 

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Commentaires
L
Même le vieux bougon bougonne moins que Cotonet. J'ai longtemps fréquenté la médi@tèque de la Grande Ville puis celle, plus modeste, de la petite ville voisine. Les agents(es) se sont souvent bien décarcassés(ées) pour trouver les ouvrages historiques dont j'avais besoin pour écrire mes romans se déroulant au 7ième siècle allant parfois les quérir auprès d'autres médi@tèques correspondantes. J'y allais le jeudi, jour calme, après avoir sacrifié à un frugal repas au restaurant dépendant avec quelques amis. On nous appelait les" vieux gamins". On retrouvait souvent les mêmes têtes chenues ou les mêmes étudiants armés de leur ordinateur. La vraie lecture, je la réserve à mon fauteuil préféré avancé, en ces temps encore, devant la cheminée. Certes ces nouveaux "clients" comme vous dites n'entrent pas beaucoup plus dans les librairies. Mais peut-être celle-ci devraient-elles se montrer plus accueillantes. Celles qui essaient ne s'en trouvent souvent que mieux. Désolé de vous contredire, mais on détruit trop d’œuvres d'art, on ignore trop souvent la culture chez nous, ( voir ma chronique du 17 mars dernier) pour vous laisser dire : brûlons les bibliothèques. Au risque de voir revenir ces forces brunes qui dansaient autour des autodafés dans les années trente. <br /> <br /> Cordialement
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