Les révélations de "Closer" sur Florian Philippot et l'entrée d'un fondateur de Gaylib au RBM ont été une occasion nouvelle de tester sur les forums les préjugés de nombreux intervenants. Ceux-ci, avec une sincérité qui ne faisait pas de doute, s'étonnaient que des gays puissent adhérer à un parti qualifié d'homophobe et même faire partie de ses instances dirigeantes, parti qui de plus s'était opposé au Mariage pour tous, ce sacrement républicain. C'est le contraire qui serait surprenant comme le montrent un peu de réflexion et de culture historique.

  On pourrait d'abord leur rétorquer que les préférences sexuelles, qui sont du domaine intime et donc privé, ne déterminent pas forcément les choix politiques où devrait primer l'intérêt du collectif, qu'ils ne nous enferment pas plus que notre classe sociale : on a vu des grands bourgeois "rouges" et des ouvriers fascistes. Si encore dans le programme du parti figurait telle ou telle menace sur les pratiques homosexuelles et leur libre exercice, mais ce n'est pas le cas. La famille Le Pen elle-même n'a jamais été un parangon de vertu dans le domaine du sexe et du mariage chrétien à part la petite dernière qui la joue catho-tradi (mais n'est-ce pas pour se donner plus de piquant ?...).Marine elle-même n'a pas participé aux "manifs pour tous" et d'ailleurs, si on en croit ce vieux briscard de Roger Holeindre au rude langage de troupier, "elle n'est entourée que de pédés". Marine, "fille à pédés", je me garderai de gloser par courtoisie, mais j'admets quand-même que ses rapports avec Philippot sont un peu étranges. Ces internautes, en fait, traînent après eux des images qui ne correspondent plus à la réalité. Ce sont celles de "crânes rasés" qui, la nuit, pratiqueraient dans les jardins publics une "chasse aux pédés" pouvant aller jusqu'au meurtre. Or il s'agit là de jeunes voyous imbibés d'alcool qui n'ont de l'extrême-droite et de son idéologie que les oripeaux. Du reste il semble bien que l'homophobie se soit déplacée et concerne maintenant les "quartiers". Les témoignages abondent des persécutions qu'endurent les jeunes homosexuels au nom de la morale islamique et d'un machisme méditerranéen mais aussi africain. C'est là que se trouve désormais le contrôle sexuel le plus féroce et pas seulement pour les femmes.

Ne pourrait-on dire au contraire qu'il est étonnant que les invertis, comme dit le Père, ne soient pas plus nombreux au FN ? Considérons, sans faire dans la nuance (pour dire le moins...) qu'il y en a deux types principaux : la "folle" et le moustachu viril au t-shirt à la Marlon Brando dans Un tramway nommé désir. Au premier appartiennent les coiffeurs, couturiers et autres représentations traditionnelles, mais aussi le fils de bonne famille couvé par sa mère, élevé par elle dans l'amour des belles choses à l'écart de ses camarades, se réfugiant dans l'étude et tournant à l'esthète. (ainsi Roger Peyrefitte, Philippe Jullian...). Son amour de notre culture, celle de la Grèce dont le fascinent la statuaire masculine et le statut privilégié de la pédérastie dans la légion thébaine, mais aussi celle du catholicisme avec son encens, ses chants, son culte marial, ne lui ouvre-t-il pas tout grand les portes du FN qui défend notre civilisation gréco-latine et chrétienne ? D'ailleurs Renaud Camus, cet impavide contempteur du Grand Remplacement et défenseur de l'Occident chrétien a flirté, en tout bien tout honneur avec Marine Le Pen. Ce personnage nous permet d'ailleurs d'introduire la seconde catégorie, obsédé qu'il est de poils, de moustaches et de pecs... L'autre courant donc, peut-être le plus important, c'est l'homo viril qui fait de la culture physique et voue au corps masculin un véritable culte. Les gens en sont souvent restés aux caricatures de la Cage aux folles alors que depuis les années les gays sont plus proches des personnages des bd de Tom of Finland. Les liens de cette mouvance avec l'extrême-droite sont anciens depuis le marquis de Morès et ses garçons-bouchers de La Villette jusqu'à la fascination d'un Brasillach pour les grands soldats blonds de la Wehrmacht avec leurs bottes de cuir. Ce culte de la virilité était une composante de la fraternité militaire qu'ont connue les plus anciens du FN, ils devraient donc eux aussi accueillir à bras ouverts ces nouveaux disciples (d'ailleurs si l'ex-para Holeindre proclame ne pas aimer les pédés, on sait bien que...).

Florian Philippot et Sébastien Chenu ont donc toute leur place au Front et d'autres les rejoindront. Les internautes vont devoir réviser leurs préjugés. A moins, toutefois, qu'on ne se pose la question de l'autre sexe: serait-il "naturel" qu'une lesbienne y adhère et s'y sentirait-elle bien ? Réponse d'autant plus difficile que la visibilité de cette forme d'homosexualité est moindre, je vous laisse donc à vos réflexions.