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Causons derechef
8 décembre 2013

Lautner, Molinaro : les pépés ont la vie dure

Après Lautner, Molinaro. Ce dernier est qualifié "d'artisan modeste et indispensable" du cinéma français, le premier avait réalisé LE film-culte de notre pays et s'en est allé couvert d'éloges. Je sais bien qu'un artisan c'est bien moins qu'un artiste et qu'une oraison funèbre efface toutes les faiblesses du défunt, mais quand-même ! Dans ma jeunesse, à peu près contemporaine de la Nouvelle vague, nous eussions rougi d'aller voir des films de l'un ou l'autre, exemples d'un cinéma commercial moisi dénué de tout art cinématographique, se contentant de raconter des histoire interprétées par de vieux briscards d'acteurs : Gabin, Ventura. Circonstance aggravante, c'étaient souvent des films comiques, mais d'un comique que nous réprouvions, rien à voir avec Buster Keaton ou Tati, à la place les grimaces de de Funès ou les minauderies de Serrault dans La cage aux folles (ce film assez ignoble fut un des plus gros succès du cinéma français au point que Molinaro lui donna une suite). Soyons juste, je suis quand-même allé voir quelques-uns des Lautner parodiques dans ma prime jeunesse, notamment la série des Monocle où me fascinait le personnage d'espion aristocrate joué par Meurisse sans compter que la parodie donne en quelque sorte un alibi culturel. Les reproches que nous faisions à ce cinéma étaient sans doute fondés, mais c'était mettre aussi à côté de la plaque. Ils faisaient de la littérature avec d'autres moyens, c'était un cinéma de scénaristes, de dialoguistes et aussi, bien sûr, d'acteurs. Quand Molinaro adaptait Siménon (au début de sa carrière, bien plus intéressant que la fin), cela donnait La mort de Belle, un film magnifique parfaitement interprété par le grand comédien que fut Jean Desailly qu'on retrouva dans le meilleur Truffaut, La peau douce. Quant aux dialoguistes, s'ils n'eurent pas tous le lyrisme aux accents parfois céliniens d'Audiard ou son sens du burlesque, ils faisaient un travail soigné, peut-être trop pour des oreilles habituées au "naturel" des conversations dans les films de la Nouvelle vague.

Alors quoi ? Le temps qui a passé et a effacé les affrontements et les oppositions qui remontent aux années 60, qui nous a rendus plus indulgents, plus ouverts à tous les genres et à tous les styles, et le même phénomène peut se manifester aussi dans la littérature : qui ne jurait que par Flaubert découvre Zola. Une nostalgie générationnelle qui nous fait redécouvrir la France des années 60, décors, costumes, langage, dans de vieux films de gangsters ou des comédies bourgeoises. Mais alors comment des trentenaires peuvent-ils apprécier ces films en noir et blanc joués par des acteurs qui furent les idoles de leurs parents sans la technique spectaculaire des blockbusters américains dont ils font leur miel ? En fait je crois que ça n'est pas le cas, à part un ou deux films mythiques dont le parangon est Les tontons flingueurs dont eux aussi connaissent les célèbres répliques, peut-être parce qu'ils l'ont beaucoup vu à la télé ou qu'ils sont sensibles à la verve d'Audiard tellement plus goûtue que les fades dialogues des films américains pour ados. C'est le seul film qui soit devenu un mythe national. Ou ne s'agit-il pas tout bonnement d'une revanche du principe de plaisir ?Cette revanche que nous prenons par exemple aux séances de cinéma bis de la Cinémathèque quand on projette des westerns italiens ultra-violents, des films de vampires tournés avec trois francs six sous, des pornos softs des années 60, le tout doublé pour qu'on puisse mieux jouir de l'inanité ou de la pompe des dialogues qui font se tordre les spectateurs. De même qu'on est revenu du nouveau roman au profit de romans "qui racontent des histoires", n'envoyons-nous pas par dessus les moulins tout un cinéma expérimental au sujet duquel on parlait de "style", de "grammaire cinématographique" pour nous vautrer dans un cinéma sans prétention, non dénué parfois de vulgarité (mais de cela nous rions aussi protégés par le "second degré"), de pur divertissement. Je frémis en écrivant cela et pour ma pénitence jure d'aller voir intégralement la prochaine rétrospective de Marguerite Duras ou de Béla Tarr.

 

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