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Causons derechef
25 novembre 2013

Blondin, Ronet : les "hussards" au Quartier latin

Belle coïncidence, une salle du Quartier latin présente actuellement un festival Maurice Ronet (dépêchez-vous, il risque de se terminer bientôt) et on reprend dans une autre Un singe en hiver d'après le roman de Blondin. Peut-on faire de l'acteur une sorte de hussard honoraire qui rejoindrait ainsi le peloton de ces écrivains anticonformistes des années 50 ? Il me semble. Il avait au moins en commun avec Blondin l'alcoolisme. Celui-ci dans le film prend des dimensions épiques, magnifié par le lyrisme déconnant d'Audiard qui ne suçait pas non plus de la glace. On sait jusqu'à quels excès allait le romancier dont les soûleries pouvaient être aussi théâtrales que celles du personnage interprété par Belmondo. Celles de Ronet étaient plus sinistres dans le genre paumé du petit matin. Les hussards avaient la tête métaphysique, un vif sentiment du tragique de la condition humaine qu'ils affrontaient avec une désinvolture jouée et noyaient souvent dans le whisky ou dans une quête désespérée de femmes, tel Paul Guegauff qui y laissera sa peau. L'un au moins s'est suicidé (tardivement il est vrai). On l' a dit aussi de Ronet, mais c'était faux. Les gens avait fini par l'assimiler au héros du Feu follet qu'il interpréta magnifiquement. Cette mélancolie s'est souvent manifestée très tôt, ils ont été des "enfants tristes" pour reprendre le titre de Nimier, des solitaires dévorant des livres,ainsi Ronet découvrit-il Melville qu'il adaptera devenu adulte. Ils ont en commun aussi leur engagement politique, mais comment parler d'engagement pour des écrivains qui s'opposèrent à ce que Sartre considérait comme une nécessité ( à gauche, bien sûr) ? Il n'en reste pas moins que Blondin collabora épisodiquement à "Rivarol" ou à "Aspects de la France" mais son peu de sérieux lui évita tout "dérapage" comme on dit maintenant (Blondin face à l'Histoire, c'est le héros des Enfants du bon dieu qui décide que dans sa classe on ne signera pas le traité de Westphalie). Ronet comme Nimier ou Jacques Laurent était partisan de l'Algérie française. Il y avait une grande part de provocation dans tout ça, l'acteur faisait partie de l'association des amis de Brasillach, ce qui ne tirait pas à conséquence et on peut se demander si les deux héros de Un singe en hiver, l'un fasciné par l'Espagne (le roman est publié en 1959 et l'antifranquisme est encore virulent à l'époque), l'autre ancien de la coloniale, ne sont pas un moyen d'agiter la muleta sous le nez des bien-pensants. Ajoutons le dandysme qui fut réel chez Ronet : conquêtes nombreuses, nuits blanches dans des endroits à la mode, argent jeté par les fenêtres, indifférence à sa carrière. Comme il avait été le Alain de Drieu, il fut le Raphaël du film de Deville. Sa beauté lui permettait tout. Les hussards auraient bien voulu mais ne pouvaient pas se le permettre. Couverts d'enfants ou d'ex-épouses, ils devaient travailler dans l'édition ou la presse à l'exception de Blondin justement dont la paresse ne s'est jamais démentie.

Je ne sais pas s'il restera grand chose de ces écrivains qui ont préféré le bonheur d'écrire à l'édification des lecteurs, mais quittons les sur une dernière insolence qui vaudrait l'opprobre à son auteur aujourd'hui. Les deux héros de L'Europe buissonnière après de multiples aventures dans le continent en guerre regagnent la France :"Ils marchèrent jusqu'au jour où ils rencontrèrent un nègre. Ce jour-là ils comprirent qu'ils étaient de retour chez eux." FIN.

 

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