La triste et véridique histoire d'un collège de banlieue
Oyez, bonnes gens, la triste histoire,rapportée par le "Monde", d'un collège de banlieue comme il en existe des centaines, c'est dans cette banlieue du nord de Paris où se sont installés studios et boîtes de com' drainant avec eux "artistes" et publicitaires. Ceux-ci ont fini par s'installer sur place, chassés par le coût des loyers au centre de Paris. En bons bobos ils n'avaient même pas peur de la mixité sociale, ouverts qu'ils sont aux métissage et à la diversité culturelle, à condition quand-même d'habiter la rue d'à-côté. Tout alla donc pour le mieux dans le meilleur des mondes possible jusqu'à ce qu'il fût question de mettre le petit Louis au collège où le suivrait dans deux ans sa petite soeur Marguerite (le bobo a toujours deux enfants). Alors là, autre potage. L'offre scolaire (comme on dit en éducnat) était limitée à un établissement baptisé Iqbal Masih. J'ai dû consulter Wikipedia : il s'agit d' un jeune Pakistanais martyr de la cause de l'anti-esclavagisme, mais peu importe, c'est un nom à faire fuir le parent de gauche le plus endurci, ça n'aurait pas été pire si le collège s'était appelé Ben Laden ou Mohamed Merah.Ce nom évoque l'Islam, donc l'arabe, donc les lascars à casquette, c'est en quelque sorte agiter un chiffon vert sous le nez du bobo. Cette connotation est aussi fâcheuse aujourd'hui que l'était autrefois celle des collèges Politzer ou Robespierre qui signalaient les municipalités rouges et des bataillons de petits prolétaires incultes et mal élevés. Le bobo veut que ses enfants deviennent des super-bobos et a parfaitement conscience de l'importance de l'éducation, avec ce nom il sentait déjà les nuages de shit planant sur la cour de récré, entendait le cri aigu des filles violées dans les vestiaires et voyait les profs humiliés renoncer à leur enseignement. La décision fut vite prise : les enfants iraient dans un collège privé du nord de Paris. Pourtant le département avait bien fait les choses : un magnifique collège presque neuf et bourré d'ordinateurs avec une "offre d'excellence" comme on dit en éducnat, à savoir, à côté des sempiternelles classes sport assez bonnes pour ces gueux qui dès leur plus jeune âge ont appris au bled à jouer au foot avec des boîtes de conserve, les mêmes options - croit-on - qu'à Henri IV. Ainsi le latin et le grec : on arrive à ce paradoxe qu'à l'heure où les parents gaulois évolués ne jurent plus que par l'informatique ou le chinois pour leur progéniture, les bons élèves venus d'ailleurs sont les seuls à suer sur Sophocle ou Tacite parce que des enseignants généreux (ce métier est plein de soeurs de charité) y auront vu un moyen de les intégrer. Le principal se désespère parce que malgré les brillants résultats sportifs de son établissement (tu m'étonnes !), malgré la récompense remportée par son journal scolaire (qui a jamais lu un journal scolaire sait quel fond faire là-dessus...) la proportion d'élèves "socialement en difficulté" ne diminue pas. Il faut dire que pour suivre la politique officielle il refuse la ségrégation par classe, mélangeant bons et mauvais élèves, et là s'arrête l'amour de la mixité chez les bobos.
Résultat : l'Archevêché se frotte les mains, les enfants privilégiés sont fatigués par leurs trajets en métro, les autres croupissent dans leur ghetto, rêvent d'être journalistes ou footballeurs et finiront caissières ou chômeurs, d'énormes ressources qui seraient mieux employées ailleurs sont gaspillées au profit d'une démocratisation de l'Ecole qui semble impossible. En supposant que Vincent Peillon, personnalité brillante d'un gouvernement qui en compte peu, veuille bien s'attaquer à ce problème fondamental, que pourrait-il ? Entre la schizophrénie des privilégiés de son électorat, le conservatisme du milieu et l'angoisse des parents, pas grand chose, hélas.