Ségolène Royal en croisade pour le cinéma familial
Petite tempête médiatique autour du dernier film de Nicolas Winding Refn qui n'en méritait sûrement pas tant. "Sûrement" parce que je ne l'ai pas vu et si je ne l'ai pas vu c'est que le précédent, Drive, m'avait paru complètement surévalué. C'est le genre de film commercial destiné à la jeunesse bouffeuse de pop corn et de musique martelée dans lequel le critique complaisant de "Libé" ou des "Inrocks" décèle un "style" qui est censé exonérer l'oeuvre de sa banalité. Ici, après l'inévitable reférence au cinéma noir américain des années 40, c'est Jodorowsky, pas moins. Il démarrait du reste assez mal quand Ségolène a pour ainsi dire volé à son secours en le condamnant : la subtilité n'a jamais été son fort...
Elle accuse donc Aurélie Filippetti d'être revenue sur l'interdiction aux mineurs de 16 ans, prise dans un premier temps, "sous la pression des producteurs". On appréciera "pression" : chantage, corruption, copinage...donnez libre cours à votre imagination. Par exemple Aurélie dans la piscine d'une somptueuse villa de Beverly Hill où on l'aura invitée pour le week end. Celle-ci a eu beau jeu de répondre qu'elle n'a fait qu'entériner l'avis de la commission ad hoc après que le producteur eut fait appel comme il en a le droit. Mais Ségolène ne se contente pas de cette petite perfidie, elle enfile - si j'ose dire - les deux bottes du moralisme et de la sottise en déclarant que "si les producteurs veulent des films toutes familles (sic) il n'ont qu'à faire des films visibles par toutes les familles" et que "polluer les jeunes avec des scènes d'extrême violence, on n'a pas le droit de faire des choses pareilles". Les producteurs savent une chose que madame Royal ignore : on ne va plus au cinéma en famille. Les vieux croûtons vont dans les dernières salles d'art et d'essai revoir les films des ciné-clubs de leur jeunesse, les parents ont leur home cinéma pour réveiller leur sexualité éteinte et les djeunes vont mâchouiller leur pop corn qu'ils font passer à grandes lampées de "Coca" devant des blockbusters où les effets spéciaux tiennent lieu de scénario, où la caméra est prise de danse de saint guy et où la musique vous vrille le crâne. A croire que naguère, à Tulle ou à Melle, le dimanche après-midi, telle la famille Fenouillard, encadrée par pépère en tête avec son riflard et mémère (à l'époque c'était elle, mémère) en queue avec sa voilette, la progéniture Hollande se rendait au cinéma "Familia" voir un Walt Disney ou un film des Dardenne. Quant à savoir si le cinéma violent purge les passions ou les exacerbe, la question n'est pas réglée et de toute façon le mot qui choque ici est "polluer" avec tout ce qu'il véhicule d'obsession de l' impureté, du péché, ce qui amène immanquablement la répression et la censure "on n'a pas le droit de faire des choses pareilles". On dirait une bigote découvrant des amoureux s'ébattant dans un parc. Il paraît qu'elle veut revenir au gouvernement, on espère que ce ne sera pas au ministère de la culture.