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Causons derechef
3 novembre 2012

Du bon usage de la critique littéraire

D'où vient que, lorsque la critique quasi unanime déverse des tombereaux d'éloges sur un "roman de rentrée", on est tout prêt à emboiter le pas de celui ou celle qui n'est pas dans la note allant parfois jusqu'à démolir le chef-d'oeuvre prétendu ? Cette année c'est La vérité sur l'affaire Harry Quebert, l'an dernier c'était L'art français de la guerre. Une notule de Raphaëlle Leyris dans le dernier "Monde des livres"où elle semble ramener à de justes proportions le roman de Joël Dicker m'a ainsi quasiment dissuadé de lire ce livre déjà couronné.

On est d'abord sensible au ton mesuré de la critique ("honnête polar") qui flatte notre goût classique ennemi des enthousiasmes romantiques. De même le mot "thriller" nous fait tiquer : voilà qui n'entre pas dans les genres répertoriés de la Littérature. Enfin on est sensible aux coups de patte qui font mal sans avoir l'air d'y toucher ("personnages bien connus" au lieu de "stéréotypes"). A partir de là on essaie de s'expliquer les compliments dithyrambiques dont a joui ce roman et comme on est de mauvaise foi (l'article de RL nous a déjà conquis) on leur trouve beaucoup de raisons qui n'ont pas grand chose à voir avec le talent de l'auteur. D'abord il est jeune : il faut encourager les jeunes talents, c'est ce que pensait le vieux Goncourt en instituant son prix (même si on l'attribua naguère à une septuagénaire rassise). Ensuite il est beau mec et combien d'écivain(e)s ont fait leur carrière là-dessus, après tout les critiques ne sont pas de bois. Puis il est suisse, ce qui le fait bénéficier de notre complexe de culpabilité à l'égard de la francophonie. Nous poussons des cocoricos mais ne faisons pas grand chose pour elle, notamment les éditeurs et les critiques jamais empressés pour promouvoir ses productions (sauf peut-être pour l'Afrique noire,ô sanglot de l'homme blanc...) notamment européennes. Nous n'accordons plus à C-F Ramuz la place qu'il mérite et Chessex n'a duré que le temps d'un Goncourt, on ne lit plus les Québecois depuis les années 70 ni les Belges parce qu'ils sont belges. Ajoutons un goût discutable pour les paradoxes : La vérité sur l'affaire Harry Quebert serait "le grand roman américain", celui qu'ont cherché à écrire Mailer, Roth ou DeLillo. Etonne-toi et admire, lecteur ! Un peu comme si un Congolais avait écrit La recherche (pardon pour cet exemple incorrect). Enfin c'est un polar et la critique peut être démagogique : c'est un livre facile, mais tu as notre onction, c'est comme si tu lisais du Joyce. Il peut aussi arriver qu'un article favorable nous fasse basculer. Je m'étais fait une fête l'an dernier de lire L'art français de la guerre par nostalgie de la Colonie et des romans de Hougron et voilà que Jean "politiquement correct" Birnbaum m'en dissuade y ayant vu un roman anticolonialiste dénonçant les turpitudes de nos armées, ce qui n'a plus grand chose à voir avec la littérature.

Il y a bien pour tous ces romans rejetés parfois à tort (on est en plein dans le subjectif) une session de rattrapage, le filtre du temps. Malheureusement les années commencent à nous être comptées...

 

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